Baptistin Pioch, a figuré dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, tome 14, page 274, sous le nom de Pioch Georges, probablement confondu avec un Pioch Georges* qui n’a cependant rien à voir avec la profession des travailleurs des ports mais qui naquit cependant la même année que Pioch Baptistin.
C’était le fils de Bernard, Marie, Dieudonné Pioch, tonnelier et de Marie Granier, sans profession. Le 27 janvier 1895, il épousa à Cette, Joséphine, Gabrielle Guirous. Il exerçait alors la profession de foudrier. Il assista comme délégué au XIIe Congrès National Corporatif – 6e de la CGT – tenu à la Bourse du Travail de Lyon en septembre 1901. Il y représentait la Fédération des syndicats de Cette, et le syndicat des menuisiers. Cette même année, le 29 décembre 1901, il s’adressa, au nom de la Chambre syndicale de Cette au maire Honoré Euzet qui refusait de remettre les clefs de la Bourse du Travail aux syndicats, ceux-ci refusant de lui faire allégeance : « …Considérant que la lettre est restée sans réponse depuis déjà 48 jours, Considérant, en outre, que la dite Bourse du Travail devrait déjà être remise aux syndicats depuis longtemps, Considérant, en outre, que la fédération des chambres syndicales et les bureaux des syndicats, appuyés par tous les syndicats, ont usé de tous les moyens pacifiques auprès de l’Administration et duConseil Municipal, Demandent à la dite administration et au Conseil Municipal, avant d’employer les derniers moyens, par une manifestation syndicale, De livrer la dite Bourse, dans son autonomie pleine et entière, dans le délai de 7 jours, c'est-à-dire vendredi prochain 3 janvier 1902. Passé ce délai, nous considérerons votre silence comme une réponse défavorable aux syndicats et vous laisserons seuls responsables de la manifestation qui sera faite le dimanche 5 janvier 1902. »
Cette situation entraîna une crise municipale qui contraignit Euzet à démissionner. De nouvelles élections portèrent Jean Joseph l’Heureux Molle* à la tête de la municipalité le 6 février 1902. Le soir
de l’élection, dans son discours prononcé du haut du balcon de la mairie, le nouveau maire, fit de son
premier acte un symbole, celui de remettre au secrétaire de la Fédération des chambres syndicales,
Baptistin Pioch, les clefs de la Bourse du Travail. Il ajouta que cette dernière était absolument libre et
indépendante.
Aux élections législatives d’avril 1902, B. Pioch fit partie du comité de soutien à la candidature de Molle. Pendant cette campagne électorale, il sera légèrement blessé, par une grêle de pierres et de
bondes de tonneaux lors d’une réunion à Mèze (Hérault).
Du 12 au 20 septembre 1904, le Congrès de la C.G.T tint ses assises à Bourges. Les Cettois y étaient
représentés avec Jannot* et Pioch. Ce dernier fut souvent sollicité dans des débats qui opposèrent les
travailleurs du port de Cette et ceux de Marseille. La Bourse du Travail de Cette représentait 25
syndicats payant leurs cotisations.
Le Congrès, dans le déroulement des ses travaux, fut confronté à une question que soulevèrent
plusieurs Bourses du Travail, syndicats et fédérations. Des fédérations départementales n’étaient pas
adhérentes à la Confédération générale du Travail, alors que plusieurs de leurs syndicats en faisaient
partie par leurs fédérations nationales professionnelles. Le syndicat des Ports et Docks de Lyon
intervint pour souligner la situation à laquelle il était confronté. Il donna mandat à son représentant
Caget, délégué du Syndicat au congrès de Bourges afin de demander l’exclusion du Syndicat des
employés et similaires de la Compagnie générale de navigation, pour les motifs qu’ils rappellent.
D’après les décisions d’un congrès tenu à Cette, il ne devait exister qu’un seul syndicat de
manutentionnaires à Lyon, et le syndicat des Ports et Docks avait été désigné. Le 1er septembre, par
ordre de la Fédération nationale des ouvriers des Ports et Docks, le travail devait être suspendu par
solidarité. Les adhérents des Ports et Docks, au nombre de quatre-vingt, se soumirent à cette décision.
Les dockers au mois, les adhérents au syndicat de la Compagnie générale de navigation, continuèrent
le travail, réduisant ainsi à néant les efforts consentis par le syndicat des Ports et Docks. La
commission exécutive de la Bourse de Lyon, ainsi que la Fédération des Ports leur avaient demandé de
se solidariser avec cette lutte, mais ils passèrent outre.
Le débat ouvert par Lyon trouva un prolongement dans la partie consacrée à la discussion générale.
Ce fut le délégué Christine, au nom des charbonniers de Marseille, qui intervint pour dire que si son
syndicat n’était pas adhérent à la Fédération de Bouches-du-Rhône, c’était indépendamment de sa
volonté. Il ajouta que, malgré un avis favorable de la commission du contentieux de la Bourse de
Marseille, sa demande d’adhésion fut repoussée. À plusieurs reprises, cette demande fut renouvelée et,
malgré l’avis du camarade Sauvage (alors secrétaire de la Fédération des Ports et Docks) qui estimait
que rien ne s’opposait à l’admission à l’Union du syndicat des charbonniers, elle ne fut pas acceptée.
Un autre délégué, Guérard, l’interrompit en déclarant que la commission de vérification n’avait eu
qu’à voir si le Syndicat des charbonniers remplissait la double obligation.
Christine rétorqua à Guérard qu’il lui permette d’expliquer pourquoi son syndicat, qui fut traité de
jaune, avait été empêché de remplir les conditions nécessaires pour être admis au congrès et démontrer
qu’il n’était pas un syndicat jaune. Il affirma avoir des idées aussi syndicalistes et révolutionnaires que
la plupart des syndicats admis au Congrès et demanda que son organisation fût admise à la
Confédération en tant que syndicat de métier et il fit appel à ses camarades Pioch et Sauvage en leur demandant de faire connaître si les Charbonniers n’avaient pas toujours fait preuve de solidarité.
Pioch, dont le nom fut prononcé par Christine, intervint à son tour. Il essaya de calmer le jeu, en
expliquant que l’on devait oublier les griefs que l’on avait pu avoir à se reprocher les uns envers les
autres, surtout que depuis quelques temps un projet d’entente avec les charbonniers de Marseille était
en voie d’aboutir.
Cependant, il lui semblait être de son devoir de rappeler certains faits qu’il énuméra. Au congrès des
Ports et Docks de 1902 à Marseille,« Considérant que dans une ville cosmopolite comme Marseille où tous les éléments étrangers se coudoient, dominent même l’élément français,Considérant qu’il ne peut exister de groupement solide sans que l’un et l’autre des éléments qui le composent soient unis, groupés sous la même bannière, Considérant que ceux qui reculent devant cette union définitive font le jeu des syndicats patronaux, Les délégués au Congrès des ouvriers des Ports et Docks et similaires de France réunis ce jour en assemblée, déclarent faire oeuvre antisyndicale, toute organisation s’instituant pour créer la division, faire échec au bloc unique de tous les ouvriers, quel que soit le titre dont elles s’affublent (toutes sans exception) seront comprises dans la catégorie des syndicats adverses dits syndicats jaunes et dénommés tels, Nous tenant à cet ordre du jour, nous rejetons les charbonniers de Marseille parce qu’ils ne s’y sont pas conformés. Si nous avons eu tant de peine à faire disparaître les titres qui nous divisent, il ne faut pas que les charbonniers de Marseille viennent aujourd’hui les faire revivre et nous attendons qu’ils veuillent bien nous donner les raisons qui les ont poussés à agir en ce sens. »
Le syndicat des charbonniers de Marseille refusa de se rallier à l’ordre du jour proposé. Pioch
rajouta que dans un but de conciliation, il demandait à ce qu’une dépêche fût envoyée au syndicat des
charbonniers pour le mettre en demeure d’entrer dans l’Union locale des dockers de Marseille.
Christine lui répondit qu’en sa qualité de délégué il ne demandait pas mieux que son Syndicat
adhère à l’Union des dockers de Marseille, à la condition que dans ladite Union leur autonomie soit
respectée. Il estima que les Charbonniers faisant un travail spécial pouvaient adhérer comme sectionà l’Union des dockers. C’est d’ailleurs, ajouta-t-il, l’opinion du camarade Sauvage, secrétaire des
dockers de Dunkerque.
Pioch lui répondit, en substance, que le syndicat des charbonniers ne groupe pas tous les travailleurs
de cette catégorie, qu’une grande quantité de charbonniers sont adhérents à l’Union des dockers de
Marseille. De là, une profonde division.
Sauvage, mis en avant par Christine, intervint à son tour pour signaler que celui-ci lui prêtait des
paroles qui avaient certainement dépassé sa pensée ; s’il a déclaré que son syndicat pouvait entrerà l’Union au même titre que les autres catégories, il n’oubliait pas qu’à la suite du congrès de 1902, il
avait passé 15 jours à Marseille pour essayer d’organiser l’Union des dockers comme le sontà Dunkerque, tous les travailleurs du port, et qu’il ne put y parvenir.
Pioch dit qu’il maintenait sa proposition de dépêche au syndicat des charbonniers et demanda qu’un
autre télégramme fût également envoyé à Manot* pour l’en informer.
Christine revint à la charge, en disant qu’il acceptait la proposition, à condition que dans l’Union
locale, il n’y ait aucune différence entre les ouvriers français et étrangers. Il pria par ailleurs le
président de demander au camarade Potigny* s’il n’y avait pas une certaine inscription portée sur les
livrets des ouvriers français, qui n’existait pas sur les livrets des ouvriers étrangers.
Pioch bondit de sa chaise, car il ne voulait pas laisser au congrès l’impression que les camarades
français empêchaient les ouvriers étrangers de travailler, ce qui souleva cris et protestations « Christine n’a pas dit ça ! ». Il faut dire qu’à Cette les syndicats avaient toujours été aux côtés des travailleurs
italiens.
La clôture de la séance ayant été demandée et votée, avant l’intervention de Pioch, le président
estima qu’il ne pouvait accorder la parole à Pioch qui s’était précipité à la tribune. Le président dit
ensuite qu’il constatait que Pioch avait voulu dire que jamais l’on a empêché les étrangers de travailler à Marseille. Le congrès en prit acte.
Pour conclure cette séance mouvementée, le président constatant que Pioch avait proposé d’envoyer
un télégramme aux charbonniers les engageant à entrer dans l’Union locale et Christine ayant accepté à condition que son Syndicat fut admis comme section. Il laissa à l’Union locale le soin d’examiner
quel degré d’autonomie sera laissée à chaque corporation.
Posant une question à Pioch au sujet de l’estampille, il permit ainsi à celui-ci de préciser son propos
sur les étrangers. Pioch estima que la question devait être élucidée, car à Marseille, dit-il, les
contremaîtres étaient tous italiens, et sous la pression des patrons ils n’embauchaient que leurs
compatriotes, alors que l’Union des docks était parvenue, par l’estampille, à faire embaucher Français
et Italiens dans la proportion de 50 pour cent. Il pensa qu’avec ces précisions, le congrès était doncà même de constater que l’estampille n’avait d’autre but que de répartir le travail dans des proportions égales entre ouvriers français et étrangers.
Pioch semble avoir succédé à Manot au secrétariat de la Fédération, après que celui-ci eut refusé de
participer à la journée du 1er mai 1907. Cette attitude entraîna l’exclusion du syndicat des dockers. Le
siège fut alors transféré de Marseille à Cette. En septembre 1908, Manot se prononça malgré tout pour
une action de solidarité avec les dockers grévistes de Cette
Le 12 Octobre 1908, B. Pioch figura sur une affiche annonçant une réunion d’un groupe de
socialistes et de syndicalistes, avec, à ses côtés, d’autres syndicalistes cettois : André Alexandre,
Alexis Fraisse, Marcel Arnaud, Serane. Deux journalistes de L’Humanité jugés comme les deux
meilleurs orateurs du Parti socialiste, Rholdes et Poisson, devaient intervenir pour clouer au pilori « Le
ministre de faillite sociale Clémenceau ».
Le 18 mai 1913, B. Pioch fut élu secrétaire général de l’Union départementale des syndicats CGT,
lors de sa création. Il fut assisté de Crébassa Emile* comme secrétaire. Pioch mourut le 27 juin 1914
et fut remplacer par Crébassa. En 1913, il appartenait à la SFIO.
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Le Petit Méridional et l’Eclair notèrent son décès dans leurs éditions du 28 et 29 juin. L’Éclair écrivit en guise d’épitaphe : « M. Pioch fut un des dirigeants du mouvement ouvrier à Cette, où son influence, pendant quelques années, se fit sentir fâcheusement au détriment des intérêts du port. Mais celui qui avait été le chef écouté de la masse ouvrière ne tarda pas à perdre tout son prestige et, depuis quelques temps, M. Pioch ne jouait plus qu’un rôle très effacé au sein des syndicats ouvriers. ». Nous n’avons pas trouvé de compte rendu de ses obsèques. Cependant ce jugement mérite d’y regarder
de plus près, car jusqu’à son décès, il demeura secrétaire de l’Union départementale CGT de l’Hérault
et responsable de son mensuel, Le Travailleur confédéré. Le 1er mai 1914, il signait un article
rappelant que l’Union départementale CGT avait un an et que c’était la première fois que le 1er mai était placé sous son égide. Le 1er juin (quelques jours avant son décès) il signait son dernier article
intitulé « Pour les mineurs du Colorado ». Il y condamnait le milliardaire Rockfeller fils, principal
actionnaire de la compagnie du Colorado qui pour réprimer un mouvement de grève qui durait depuis
septembre 1913, fit brûler, le 20 avril 1914, les tentes des ouvriers et pourchasser par ses sbires,à coups de fusil, les femmes et les enfants qui tentaient de s’échapper. Le leader syndical, Louis Tikas,
deux femmes, douze enfants, cinq mineurs furent tués.
SOURCES : Dictionnaire Biographique du Mouvement Ouvrier, tome 14, p.274. — « XIVe Congrès national corporatif (VIIIe de la Confédération) et Conférence nationale des Bourses du Travail-tenus à Bourges du 12 au 20 septembre 1904 », BNF, bibliothèque numérique, site http://www.gallica.bnf.fr — Le Petit Méridional, 28 juin 1914. — L’Éclair, 29 juin 1914. — Le Travailleur confédéré, n° 1, 1er
mai 1914. — « Le 20 avril 1914, les mineurs de Ludlow en grève sont massacrés », l’Humanité, 11
avril 2014. — Jacques Blin, Jean Joseph l’Heureux Molle député-maire de Cette, Sète, éditions Flam, 2011, 236 pages.
Jacques BLIN